
Le drame des migrants, qui dure malheureusement depuis très (ou depuis trop) longtemps est revenu à la « une » de l’activité puisque le 9 septembre dernier, près de 13.000 migrants du camp de Moria, sur l’île de Lesbos, ont tout perdu dans le gigantesque incendie qui a détruit leur « refuge » de fortune.
D’aucuns diront qu’ils n’ont pas perdu grand-chose puisqu’ils n’avaient plus rien. Mais je pense qu’en plus, ils viennent de perdre aussi leur dignité, ou ce qu’il en restait, vu le traitement qui leur est accordé après ce nouveau drame humain.
La situation est plus dramatique que jamais pour les malheureux qui étaient parqués dans le plus grand camp de réfugiés de Grèce dans des conditions dénoncées depuis longtemps par les ONG. Jean Ziegler, le conseiller du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, a déploré ces conditions inhumaines des migrants, en violation des principes les plus élémentaires des droits de l’homme. Le droit d’asile est nié par l’impossibilité même dans laquelle se trouve la plupart des réfugiés de déposer leurs demandes : le droit à l’alimentation, quand la nourriture distribuée est notoirement avariée, le droit à la dignité quand les rats colonisent les montagnes d’immondices entourant le camp, quand les poux infestent les conteneurs dans lequel les familles doivent s’entasser, les droits de l’enfant quand la promiscuité livre les plus vulnérables aux violences sexuelles et les prive de tout accès à l’éducation.
Jean Ziegler a ainsi dénoncé « la honte de l’Europe », il s’indigne, il alerte, il exige. Mais ce ne sont là que des mots. Quand est-ce que les peuples européens vont enfin assurer leurs responsabilités ? Voilà maintenant plus d’une décennie que le drame des migrants a commencé, qu’il est à notre porte. Qu’avons-nous fait pour cela à part refuser notre aide ?
Comme je l’ai déjà dit, j’ai eu le triste privilège de « visiter » ce camp de Lesbos en 2016. J’avais souhaité aller voir « sur place » ce que j’avais lu et entendu, j’ai constaté ce que je pressentais.
Devant ce drame humanitaire sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale, la démission humaine des peuples et des gouvernements européens est scandaleuse. Tout ce que j’ai vu, tout ce que je vois encore aujourd’hui, me confirme que nous sommes dans une démarche qui n’a rien à voir avec l’humanisme. Nous sommes dans l’ère du « sauve qui peut » et du « chacun pour soi », pourvu que nos petits intérêts soient préservés. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons laisser un monde de paix et de joie à nos enfants.
Tout cela se passe pourtant à moins de trois heures d’avion de chez nous. Comment pouvons-nous ainsi fermer les yeux ? C’est bien du sort d’êtres humains qu’il s’agit, d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne demandent rien d’autre que vivre, en bénéficiant des mêmes droits à la liberté que nous. L’inaction de la France et de l’Europe est une erreur MAJEURE, une erreur historique. Nous le paierons au prix fort, surtout les générations à venir. On ne peut pas ne pas subir les conséquences d’avoir abandonné et de ne pas avoir prêté assistance à tous ces peuples martyrs et en danger, parqués dans de véritables « camps de concentration » et aux des conditions de vie, ou de survie, contraires à toutes les conventions internationales.
Aux dernières nouvelles, dix pays de l’Union européenne vont accueillir quelque 400 migrants mineurs non accompagnés, évacués de l’île de Lesbos suite à l’incendie du 9 septembre. Ainsi, l’Allemagne et la France prendraient en charge chacune entre 100 et 150 de ces enfants… Est-ce ainsi, avec des « mesurettes », que nous comptons tirer un trait sur le drame qui se noue ? Cela revient à vouloir vider un océan à la petite cuillère ou mettre un pansement sur une jambe de bois…
Sans parler de la «guerre» entre le président turc Erdogan et l’Europe à propos des accords migrants, à coup de milliers d’euros qui, si la situation perdure, pourrait voir une partie du territoire imploser sous une forme ou sous une autre.
Je ne me reconnais pas dans cette Europe, pas plus que dans mon pays où la majorité de mes concitoyens se prononcent très largement contre l’admission de migrants en France afin de préserver leur tranquillité et leurs avoirs.
N’oublions jamais que notre terre est petite et que, depuis trente ans, nous, les pays riches, exploitons et pillons toutes les ressources à notre seul profit. Et nous voudrions n’accorder que les miettes aux autres…
Il arrivera un temps où tout le monde devra recevoir son dû et pas seulement les 20% de privilégiés que nous sommes et qui prenons, pour nous seuls, les 80% de richesses de la planète. Alors sachons donner, partager, en toute liberté. Sinon, nous provoquerons le pire pour avoir voulu garder pour nous ce qui était à partager.
Nous avons une occasion magnifique de montrer notre humanité et de renforcer l’Union européenne face à un drame humain. Le repli sur soi a toujours été un signe de dégénérescence qui ne peut qu’aggraver et hypothéquer l’avenir des générations futures.
Un sursaut et une prise de conscience sont ils encore possibles ? J’en n’en suis pas certain.
André Mâge
« Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire » – Albert EINSTEIN